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VU À L'ÉTRANGER Richardson : bras de fer sur le ferroviaire

Jean-Paul Sabourin (à gauche), responsable du site de Lettelier, ici avec un client : « Nous devrions doubler notre capacité dans les deux ans qui viennent. »C. DEQUIDT

Au Canada, les organismes stockeurs doivent faire face à une crise majeure sur le fret ferroviaire. Le négociant international Richardson a trouvé une solution.

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En bordure de la route 75, le silo de la ville de Lettelier, à quelques kilomètres de la frontière américaine détient une position stratégique pour le groupe Richardson, négociant international, leader national au Canada. Cette route qui relie les Etats-Unis à Winnipeg, capitale de la province de Manitoba, est un axe majeur pour l'exportation de céréales. Elle est le débouché naturel des exploitations de la vallée fertile de la rivière Rouge. C'est là que se situe le grenier à blé du pays, qui a hébergé le Canadian Wheat Board pendant des années.

Les débouchés s'ouvrent après la fin du monopole

Pendant plus de soixante-dix-sept années, le Canadian Wheat Board (CBW) fut le seul acteur du commerce du blé, blé dur et orges au Canada. Tout agriculteur ou négociant qui imaginait passer la frontière et vendre en direct à l'exportation, risquait la prison. « Le 1er août 2012, agriculteurs comme négociants ont poussé un ouf de soulagement, en apprenant la fin de ce monopole », se rappelle Wade Sobkowich, directeur du Western Grain Elevator Association. Jean-Paul Sabourin, responsable du site de Lettelier du négociant Richardson, renchérit : « Dans ce pays qui produit le meilleur blé du monde en protéine, nous avons pu enfin proposer une véritable politique commerciale aux agriculteurs. »

Mais cela peut aussi être un piège, comme cette année où la moisson 2015 dans le Manitoba, pour le blé tendre, a été particulièrement bonne en qualité, car il y a eu de la chaleur, puis de la pluie au bon moment. « Nous avons dû adapter nos primes qualité, en cours de campagne à 15 % de protéines, car nous en avions trop à verser à 14,5 %, comme prévu en début de campagne », précise Jean-Paul Sabourin. La moyenne sur l'ensemble de la collecte du silo est à plus de 14 % pour un rendement de 4,5 t/ha.

Une qualité qui offre des opportunités

« Une qualité qui offre des opportunités pour certains agriculteurs qui vendent directement aux moulins américains malgré les risques. Notamment pour ne pas déstabiliser leur marché interne, les meuniers pratiquent deux prix, l'un pour leurs farmers américains et l'autre pour les blés d'importation », souligne le responsable du site de Lettelier. Ce phénomène est atténué pour Richardson, car l'entreprise offre des volumes et possède ses propres moulins aux Etats-Unis.

Blocage sur le fret

A Lettelier, 400 à 500 agriculteurs livrent le silo de 15 500 t embranché fer avec un taux de rotation de 15 fois/an, qui s'est spécialisé dans l'exportation vers les Etats-Unis et qui emploie quinze personnes. Certains font jusqu'à 250 km. « Au vu de la demande, nous devrions doubler la capacité dans les deux ans qui viennent », se réjouit Jean-Paul Sabourin.

Maintenant que la libéralisation sur les achats et les ventes de céréales est faite, une autre difficulté est apparue. Comme partout, la logistique joue un rôle majeur. Peut-être un peu plus au Canada car les zones de production sont enclavées dans le centre du pays (Manitoba, Saskatchewan, Alberta). Au total, 80 % de la production est exportée, soit vers l'Asie par Vancouver (58 %), soit vers l'Europe et l'Afrique par les grands lacs, puis Montréal ou Québec (36 %), soit vers les Etats-Unis par la route et le fer (6 %).

« Du temps du CBW, il n'y avait aucune difficulté avec les deux compagnies ferroviaires du Canada. Les négociations de prix du fret devaient leur convenir. Depuis que nous, les privés, sommes acheteurs du fret, c'est une autre histoire », sourit Jean-Paul Sabourin. En 2014, les deux compagnies ferroviaires ont décidé de concentrer leurs offres sur le pétrole, sans doute plus rentable. Une crise majeure s'est produite avec les négociants en grains qui n'arrivaient plus à acheminer les denrées. Les stocks se sont accumulés dans les fermes et nous avons dû limiter nos achats faute de place. L'Etat s'en est mêlé allant même jusqu'à donner des amendes aux compagnies ferroviaires pour les obliger à transporter du blé.

Des quotas de transport obligatoires par semaine

Le conflit est maintenant terminé. « Nous avons réussi à négocier des quotas de transport de grains obligatoires par semaine », indique Murdoch MacKay, le négociateur côté agricole. Jean-Paul Sabourin, de son côté, avait pris les devants. « Pour le silo, nous avons réussi, à trouver une compagnie américaine qui vient travailler au Canada, mais le gouvernement n'a pas autorisé plus de 150 km à l'intérieur du territoire. »

Christophe Dequidt

Au total, 400 à 500 agriculteurs livrent le silo de 15 500 t, embranché fer. Certains font jusqu'à 250 km.

C. DEQUIDT

Pour le silo de Lettelier, le groupe a réussi à trouver une compagnie ferroviaire américaine qui vient travailler au Canada.

C. DEQUIDT

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